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Tout simplement parce qu'on y trouve un peu de tout, par ordre de pagaille. Cette idée de collection sans thème déterminé me plaît...

Vous trouverez donc ici un peu de tout, de ce qui fait ma vie, mes loisirs: musique, lecture, voyages, etc...
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jeudi 21 juillet 2016

Le Malheur indifférent - Peter Handke

Un curieux livre que celui-ci, trouvé sur l'étagère commune du travail. Très court, imprimé assez gros..
Mais le sujet de départ me tentait bien..

L'auteur entreprend de tracer un portrait de sa mère, quelques mois après son suicide et de déchiffrer quelles sont les éléments dans sa vie qui ont pu l'amener là, sans que personne n'ai vu venir la chose.
La mère était une personnalité effacée, même dans le récit on ne saura jamais rien d'elle, même pas son prénom, tant son identité est floue et insaisissable même pour son fils, pourtant une des personne la plus à même d'en parler.
Mais même lui a des difficultés à cerner quelqu'un qui d'un point de vue littéraire, au delà du drame personnel, est un défi: raconter le quotidien vide et morne d'un personnage qui s'est efforcé de laisser le moins possible transparaître quoi que ce soit.
Du coup, le récit alterne avec des ruptures où l'auteur évoque son métier et ses difficultés.
La mère donc: une petite fille née dans une ferme autrichienne peu après la première guerre mondiale. L'auteur nous parle un peu de ses ancêtres, car le malaise de la mère vient de loin, précisément de son éducation, précisément du fait que son grand-père à elle, ancien serviteur dans une ferme, a accédé à l'indépendance financière en épousant la fille d'un riche fermier. Une éducation stricte et catholique, où toute manifestation de joie est considérée comme déplacée, surtout pour les femmes, où le seul critère de réussite est "la possession", d'un lopin de terre, d'une entreprise.. peu importe. L'avoir l'emporte sur l'être.
Et seuls les frères de la dame sont autorisés à faire quelques études: elle devra se contenter de l'éducation de base qui se termine à 12 ans environ, et malgré son désir d'apprendre, se verra confinée au rôle traditionnel qu'on attend d'une femme dans la campagne autrichienne de la première moitié du XX° siècle: une bonne épouse et une bonne ménagère. Un destin tout tracé dont elle essaye pourtant de s'échapper en devenant apprentie cuisinière ( mais là aussi, les perspectives sont trop limitées pour elle, la cuisine, on en a vite fait le tour), puis arrive l'avant guerre, et la guerre, qui renvoie encore les femmes  à leur rôle de cuisinières et de maîtresses de maison. Kinder, Kirche, Küche. Là encore elle prend des voies de traverses, en fréquentant un homme marié qui lui fait un enfant.. mais, effrayée de sa propre audace, bloquée par les barrières mentales qui lui ont été inculquées dans son enfance,  se range vite à l'opinion extérieure en épousant au final, par dépit un homme qu'elle n'aime pas mais qui l'accepte avec son enfant. Un vie morne se profile pour elle, où elle étouffe peu à peu volontairement toute sa personnalité enjouée. Où elle finit par étouffer vraiment, avec comme seule perspective pour sortir du lot, la dépression nerveuse ( mais là encore, on est à la fin des années 60 et quelqu'un qui fait une dépression nerveuse n'est pas considéré comme une victime, mais comme un fautif. On préfère abrutir les patients de cachets au lieu de chercher l'origine du problème).

L'idée n'était pas mal, et m'a même bien intéressée: la chronique d'une dépression nerveuse, de ses origines antérieures même à la naissance de la malade, jusqu'à l'issue fatale, connue dès le début du récit. L'incapacité à surmonter son éducation et à envoyer bouler tout ce qui l'empêche d'être elle même. Après la guerre, elle aurait pu opter pour une remise en question. a plusieurs reprises, elle montre les signes d'une tentation de changer, sinon de vie, du moins de regard sur la vie: en lisant, en voyageant..mais voilà, remettre en question, c'est aussi remettre en question ses croyances et son éducation, et elle n'a même pas l'idée d'aller jusqu'au bout. Vouloir être soi même, c'est déjà s'opposer aux autres et à ce qu'ils veulent que vous soyez, et c'est trop difficile pour une femme isolée et désocialisée. Ou plutôt qui évolue en vase clos dans une société fermée et traditionaliste.
Il y a la des choses très intéressantes, et toujours d'actualité ( combien de fois j'ai entendu " tu ne devrais pas faire ça, tu es une femme" ou " non, mais je suis une femme, je ne peux pas le faire". en soi c'est toujours d'actualité et ça le restera, tant que les femmes seront persuadées qu'avoir une paire de nichons les empêche - et justifie qu'on les empêche - de faire ce qu'elles veulent. Le pire enfermement est celui qui est consenti).
Par contre je n'ai pas spécialement apprécié le traitement entrecoupé du récit, par les digressions littéraires de l'auteur. C'est un livre court , qui se lit en une petite matinée, mais ces digressions font souvent perdre le fil. Après c'est la forme qu'il a choisie pour évoquer son drame personnel, probablement celle qui lui convenait le plus pour essayer de se distancier, quelques mois après le suicide, de sa tristesse. Mais justement, la distance prise avec la situation, qui donne une impression d'être écrite au fil de la plume, et c'est surement le cas, fait que bon.. en tant que lectrice, je me suis un peu ennuyée.

Quelques mots du titre. "le malheur indifférent" en français,  ça m'évoque à priori, le fait que le malheur tombe comme ça, sans distinction sur n'importe qui, donc plutôt la situation du fils. Mais il s'agit bien de la mère pourtant. Le mot mal-heur, évoque quelque chose de négatif et soudain, qui peut s'éterniser certes, mais qui arrive un peu d'un coup.

Wuschloses Unglück, le titre d'origine, est assez intraduisible, mais l'intention est assez différente du résultat en français.
 Glück, c'est la chance, en général autant que le bonheur. Même s'il est couramment traduit par malheur, d'un point de vue  étymologique, Unglück n'a pas le côté franchement négatif du mot malheur, c'est en substance " le non-bonheur", et fait plutôt penser à un état permanent qu'à quelque chose qui arrive d'un coup.
Wuschloses a un sens par contre plus fort qu "indifférent". "Wusch" le souhait,"los" sans "sans souhait, sans désir, sans volonté. Un privation de souhaits, de volonté qui amène un non-bonheur. Et là, c'est tout à fait la situation de la mère. La traduction était très difficile, je le reconnais, mais du coup, elle affadit beaucoup le titre original

samedi 16 juillet 2016

Le silence de la mer - Vercors

En voilà un que j'avais prévu de lire depuis longtemps aussi, il a trouvé son chemin jusqu'à mon étagère.
Mais surprise, d'une part le livre est tout petit, et d'autre part, LE silence de la mer lui même n'est qu'une des nouvelles qu'il contient. Je ne sais pas pourquoi , je pensais qu'il s'agissait d'un roman et.. non, c'est une nouvelle. ce qui ne me dérange pas, j'aime bien les nouvelles.

Je sais qu'il a été adapté par deux fois sur grand ou petit écran, d'abord par JP Melville en 1949, une version que je n'ai pas vue, et ensuite pour la TV, en 2004 ( je viens d'aller vérifier).C'est cette version que j'ai vu, et c'est surement ça qui m'a fait penser qu'il s'agissait d'un roman , au moins de longueur moyenne.
Et donc la version que j'avais vue m'avait bien plu de mémoire, mais elle prend des libertés avec le récit.

qui finalement n'est pas plus que: un officier allemand pendant l'occupation se voit attribuer une chambre chez un professeur à la retraite qui vit avec sa nièce. Les français font acte de résistance passive en gardant obstinément le silence face à l'allemand qui se révèle être non un sauvage, mai un type normal. Terriblement normal. Et même sympathique, cultivé, amateur de littérature et de culture française. Mais rien n'y fait.

Et c'est TOUT,ou presque, puisque  l'image du silence de la mer représente l'impénétrabilité des pensées des deux français, impassibles, mais dont les idées s'agitent sous les crânes comme des poissons dans la mer. de l'extérieur on ne voit rien.
Difficile en effet de faire un film là où le récit se passe surtout dans la tête des protagonistes, à moins de le résumer à de longs monologues de Werner l'officier, face à deux murs. Et encore la fille ne daigne même pas lui accorder un seul regard.
Donc le film prenait la liberté de faire d'elle une professeur de piano, et une résistante qui avertit les autres en posant un géranium sur on balcon. C'est un choix, mais un choix judicieux, puis qu'il apparait dans la seconde nouvelle (Ce jour-là, qui évoque les arrestations soudaines de résistants). Ce qui permettait d'arriver à une longueur de téléfilm correcte, en ajoutant des personnages mais sans que ça ne soit complètement tiré de nulle part.
Je suis moins convaincue par l'histoire d'amour muette entre la nièce et Werner. Certes le Werner du livre est un naïf sentimental, musicien composteur qui se trouve pris dans une situation pour laquelle il n'est pas fait.  Et c'est une des bonnes idées de la nouvelle: l'ennemi n'est pas un monstre, mais un quelqu'un avec qui on pourrait même être ami, si la guerre ne les avait pas arbitrairement mis dans des camps opposés. Apparemment on a reproché à Vercors cette approche trop humaine de l'allemand ( peut être que ça mettait des gens mal à l'aise, c'est tellement plus simple d'imaginer que les choses sont parfaitement tranchées où il n'y a pas de question à se poser, juste à canarder indistinctement le salaud d'en face), je l'approuve totalement.
Pour en revenir à l'histoire d'amour du film.. disons que ce n'est pas une interprétation absurde, mais que ça en est une parmi d'autre possible. La plus facile peut-être. et donc la moins crédible de mon point de vue. Je vois plutôt  la réaction finale volontairement ambiguë de la nièce comme étant de la déception, ou de la colère face au renoncement de Werner, qui baisse un peu trop facilement les bras.. quelque chose comme ça. Même s'il leur a rabâché à longueur de temps son amour de la France, avec de possibles sous-entendus, elle ne me semble pas y avoir été franchement réceptive.
Enfin; ça c'est la mienne d'interprétation. Plutôt une déception après s'être dit que " tiens, tous les allemands ne sont pas des salauds".
Mais du coup, cette multitude d'interprétations fait la richesse du récit, et ça c'est une bonne chose.

J'ai été moins convaincue par Ce jour-Là, à cause de sa narration qui se veut enfantine, mais est un peu maladroite. Trop enfantine, ou pas assez en fait.
Le Songe  aborde la torture, et évoque l'impossibilité de se mettre à la place de la victime, même si le récit des exactions est horrible, il est impossible de le ressentir physiquement ( à part en rêve et encore.)
L'impuissance part du même constat: Renaud a toujours été un type très empathique, trop empathique, le genre qui à l'école primaire se faisait volontairement punir par solidarité avec un camarade injustement puni. Oui, il est un peu zinzin. La guerre aura forcément des répercussions sur ses nerfs fragiles.
L'imprimerie de Verdun, c'est cette fois, les désillusions d'anciens combattants qui ont cru à Pétain, leur héros de la première guerre mondiale. Mais non, Pétain n'abandonnera pas ses poilus, qu'ils soient juifs ou pas.. Là encore leur monde s'écroule avec leurs illusions.
La Marche à l'étoile, est l'histoire d'un vieux Monsieur, un tchèque, parti de Bohème à l'adolescence pour rejoindre l France, pays qu'il a rêvé et idéalisé. Il est intégré, obtient la nationalité française,  refuse là aussi de croire à la trahison de Pétain... mais est arrêté lorsqu'on trouve dans sa généalogie une lointaine ascendance juive qu'il n'a jamais considérée comme importante. Là encore je n'ai pas vraiment apprécié l'écriture, un peu trop redondante à mon goût, mais j'ai aimé l'idée.

Comme toujours dans les recueil de nouvelles, il y en a avec lesquelles j'ai lus d'affinité, d'autres moins. La nouvelle titre et L'imprimerie de Verdun m'ont le plus convaincues, je les ai vraiment trouvées au dessus des autres, suivies par La marche à l'Etoile pour son ironie tragique.

Et c'est en faisant quelques recherches sur l'auteur que j'ai fait la relation: Vercors a d'abord été caaricaturiste sous le nom de Jean Bruller. Je connaissais les caricatures, sans savoir qu'il s'agissait du même autre. JE trouve intéressant de voir qu'on y trouve dès les années 20, les même préoccupations: la communication ( ou l'absence de communication), l'envers du décor, les faux semblants, et l'ironie et l'humour noir, servis par des cadrages audacieux. Cynique comme j'aime!
Six du même sang. Ca n'a pas tellement changé!
Projet d'avenir ou la joie de vivre
un horrible accident ( il n'y manque que les téléphones portables et appareils photos pour être d'actualité..)
L'envers du décor (entrée des employés du palace)
La grande vedette
Le roi
Au faîte des richesses  

mardi 12 juillet 2016

Le Misanthrope - Molière

Ho, un Molière que je n'avais encore ni lu, ni vu.
En cette première semaine de RAT d'été, et en plein festival, il me fallait au moins une lecture théâtrale. Au minimum!

Et donc de passage chez ma mère, j'ai pris, un peu au hasard, le premier venu sur l'étagère Molière ( ça me fait bizarre de me replonger dans un classique Larousse, mais pas ceux que j'ai connus moi au lycée,  non, ceux de la période 50/60, la génération de mes parents avec couverture violette indistincte.Je ne sais pas si c'est mon père où ma mère qui a du l'étudier en cours, tiens...)
oui, et ça sent bon le vieux papier,

Ca s'appelle donc le Misanthrope. Mais à la lecture on comprend vite que ça pourrait aussi se titrer " l'asocial", "le colérique" ou même "le casse-bonbon". Oui.

Car Alceste, notre héros, plus qu'un misanthrope est en fait un intransigeant, qui ne peut supporter les travers horripilants de certains de ses contemporains: La jalousie, la mesquinerie, la médisance, l'hypocrisie.
A tout cela, on ne peut pas franchement lui donner tort, bien au contraire.

Mais pas de chance pour Alceste, il évolue dans la bonne société, la très haute société du XVII° siècle, celle des coquettes pour qui la médisance est une seconde nature, et des petits marquis, qui se gonflent d'importance de pouvoir assister au lever ou au coucher du roi. autant dire, le pire panier de crabes possible.
Et autant de raison de se fâcher pour Alceste, qui ne fait pas dans la demie mesure et ne se contente pas de réprouver silencieusement. bien au contraire, il tempête, il rage et fait du foin, souvent de manière démesurée. Ce défaut fait qu'il est encore malgré tout bien en vue dans cette société, où son extravagance fait rire et ne déplaît pas, en particulier aux dames qui trouve sont honnêteté plutôt charmante, bien que bruyante.
Mais évidemment, on est dans une comédie, donc ce râleur invétéré, en plus d'amuser involontairement la galerie, est doublé d'un naïf, qui s'est entiché de Célimène, femme intelligente et piquante.. surtout quand il s'agit de médire à droite et à gauche. Tout ce qu'Alceste déteste. Et il en a conscience et vient d'ailleurs, tout au long de la pièce, essayer de demander à Célimène si elle compte un jour, se décider entre lui et la nuée de prétendants qui l'entoure, et changer son comportement bien trop mondain. Essayer seulement car sans cesse, quelqu'un arrive et l'interrompt.

C'est une pièce étrange, à la fois humoristique: le côté colérique outré du héros, les interruptions dont il est sans arrêt la victime, le petits marquis ridicules qui courtisent Célimène. Oronte en particulier, qui casse littéralement les pieds à tout le monde  et à Alceste en particulier pour avoir son avis sur un sonnet de sa composition.. mais ne supporte pas qu'on lui dise que son texte est mauvais! et va jusqu'à intenter un procès pour que la justice lui donne raison sur le sujet " le texte est peut être mauvais, mais les conventions sociales font qu'il aurait dû, poliment, le trouver bon".
Mais aussi se teinte d'autres choses: le sarcasme envers les moeurs et les conventions de l'époque ( comment donner tort à Alceste sur le fond de ses colères, même si elles prennent des proportions qui le rendent ridicule), mais aussi sur l'impossibilité de pourvoir tout seul changer les choses et les gens ( et il fallait bien  s'attendre que Célimène qui dit du mal de tout le monde en dise aussi de ses prétendants.. et le fait qu'elle se fasse plaquer par les 4 en même temps est plutôt jouissif...Hé oui, à courir plusieurs lièvres, on repart les mains vides)

Du coup, j'ai beaucoup aimé cette demi teinte, d'une comédie moins franchement rigolote, mais plus sarcastique, plus grinçante que d'autres. Et je préfère la subtilité de cette peinture de moeurs aux coups de bâtons guignolesques des fourberies de Scapin, qui m'a toujours ennuyée. Mais poliment, sans rouspéter, bien que dans l'absolu, je me sente assez proche d'Alceste sur certains points.

Prochaine mission, voir la pièce. Il y a une version disponible sur le site de l'INA, filmée en 1977 dont la distribution me tente bien.. Quand je serai un peu plus en fonds, je prendrais un pass (3€/ le mois, sur un mois ou deux, c'est possible, d'autant que le premier mois est gratuit), pour voir tout ce qui me tente (yep! je vais enfin voir la fin de Belphégor, ou Chorus, emission musicale qui programmait The Police, the Cure, james Brown, John Lee Hooker autant qu'Art Blakey, Téléphone, Magma ou Rory Gallagher)

lundi 11 juillet 2016

Contes - Perrault

Oui, De Perrault. Sans prénom. L'édition que j'ai a astucieusement choisi de ne pas insister sur "Charles" Perrault, dans la mesure où à son époque, seule une première édition de quelques textes ont été publiés sous son nom complet, et ceux qui sont les plus connus ( le Chat Botté, Cendrillon, Le Petit Poucet...) publiés sous le nom de Pierre Darmancour ou Pierre Perrault, fils de Charles.
Donc, dans la mesure où une écriture à quatre mains, collaboration du père et du fils est une option possible, l'édition préfère ne pas trancher, et sépare clairement les textes signés de Perrault père (en vers: Griselidis, les souhaits ridicules et Peau D'âne) et ceux d'attribution plus difficile. Auxquel il adjoint en annexe d'autres textes de Perrault Père (La métamorphose d'Orante, La Peinture, Le labyrinthe de Versailles) D'une veine plus classique, plus galante, plus ancrée dans la littérature de cour du grand siècle. ce n'est donc pas absurde de séparer les contes proprement dits qui sont d'une veine populaires et en prose, des textes en vers d'inspiration antique ( souvent Ovide) ou Renaissance ( Le décaméron ou le pentameron)
mission 1 du RAT d'été: un livre avec un détail vert, ici, le fond vert olive derrière le Petit Chaperon Rouge

Car , et là, ça a été une découverte pour moi, merci la préface et les notes, Charles Perrault est suttout connu du grand public pour ses contes, qu'il a en fait écrit sur le tard. J'étais vaguement au courant de sa prise de position pour les Modernes dans la querelle des anciens et des modernes, mais pas vraiment de toute sa carrière politique avant d'opter pour la littérature, soit la majeure partie de sa vie consacrée à autre chose.
Comme son contemporain La Fontaine ( auquel les contes font de fréquent clins d'oeil) en fait.

Je trouve intéressant de mettre en parallèle les deux auteurs en fait: La Fontaine a écrit des contes et des fables, mais on se souvient quasi uniquement des fables. Perrault a écrit des fables et des contes, et ce sont surtout les contes qui sont passés à la postérité, et pas toujours dans leur vraie version. Souvent, c'est la réécriture des frères Grimm qui a été choisie pour les adaptations cinéma et qui ont plus marqué les mémoires. Hé oui, pas de chasseur qui vient sauver le petit chaperon rouge ici, elle finit mangée! Ce qui est logique, puisque la finalité du conte, qui comme les fables, tiens donc, a une visée instructive et se finit par une moralité ( ici, mettre en garde les jeunes femmes de la bonne société, contre les "loups" qui en veulent surtout à leur pécule et n'hésiteront pas à les manipuler et à se débarrasser d'elles une fois qu'ils ont obtenu ce qu'ils veulent. Pas de sauveur, c'est logique et c'est même un contre sens. comme dire " Ce n'est pas trop grave, il y aura toujours quelqu'un pour te sauver la mise")

Donc les contes se concluent sur une moralité voire plusieurs, parfois même assez drôles ( La deuxième moralité de Cendrillon. La première insiste sur le fait qu'un bon caractère est le bien le plus précieux et qu'il permet de s'en sortir même si l'on est désargenté. La deuxième, plus cynique, mais tellement plus réaliste, prend le contrepied en nous disant textuellement que peu importe l'argent, l'apparence, les qualités de quelqu'un , le meilleur moyen pour parvenir à se hisser au somment c'est d'avoir une marraine ou un parrain qu oeuvre pour vous. En clair: rien ne vaut le piston!)

Dans les deux cas cependant, La Fontaine ou Perrault, les fables et les contes  font partie clairement de ce que ma prof de FLE  de textes à Charge Culturelle Partagée ( oui, des CCP, donc...); des mots ou des textes qui sont tellement connus souvent depuis la petite enfance qu'ils font partie du "paysage" culturel d'une société. Qu'ils peuvent être cités complètement hors contexte, tout le monde ou presque repèrera l'allusion ou comprendra, qu'ils sont parfois passés à valeur de proverbe.
Des locutions comme ' foi d'animal" ou " patience et longueur de temps font plus que force ni que rage", " on a souvent besoin d'un plus petit que soi", " sans autre forme de procès", " tout flatteur vit aux dépends de celui qui l'écoute".. etc

Peut être parce que les fables de La Fontaine ont été apprise par coeur à l'école, ou lues en famille, ce sont vraiment des phrases qui reviennent en citation, quand les contes parlent surtout pour leur trame générale ( après tout le but d'un conte est d'abord d'être dit , plutôt que lu). Quoi qu'il en soit, la CCP est bien là,et même plus universelle pour les contes  de Perrault , peu importe lequel, du père ou du fils ( via leur adaptation par les frères Grimm déjà, qui ont élargi l'audience dans le monde germanique puis via les adaptations dans le monde entier - oui, c'est comme ça qu'on peut voir le petit chaperon rouge dans un manga, par exemple- mais aussi par leu côté populaire, donc tiré de traditions orales plus vastes et "mondialisées " que les Fables, qui ont dépassé et quasiment effacé leur modèle antique ( Esope) mais sont restreintes à un public francophone.

Traduction, si je parle de Cendrillon ou Cinderella à un anglophone, il va de suite penser: fée, citrouille, pantoufle de verre, retour avant minuit.. etc.  Ca marche internationalement.
Si je dis à un francophone " le lion et le rat", "le loup et l'agneau", " le rat des viles et le rat des champs" les chances sont grandes qu'il connaisse, peut être pas par coeur, mais quand même.
En FLE, c'est essentiel d'avoir cette notion pour penser à inclure ces textes CCP dans le bagage culturel d'un locuteur étranger qui vient apprendre le français, pour lui donner des clefs sur la société, au delà des simples compétences linguistiques pour aller acheter des timbres à la poste ( oui, tiens , les logos font aussi partie des documents CCP)

La preuve qu'il s'agit de textes CCP, c'est que je n'ai même pas eu besoin de préciser la teneur des textes tels que le Chat Botté, Cendrillon, Barbe bleue, le Petit Poucet... Riquet à la houppe me semble un peu moins populaire.
Quand je me dois de donner des précisions sur Griselidis : une nouvelle en vers tirée d'un conte du décameron qui le tirait probablement d'une tradition plus ancienne. Griselidis est une bergère, épousée pour ses qualités par un roi mysogyne qui cherchait ce qu'on appellerait de nos jour un paillasson, doit subir malgré toutes ses qualités la jalousie d'un mari complètement paranoïaque qui lui fait misère sur misère pour éprouver sa patience. Au sens strict: l'aptitude à souffrir sans se plaindre, pas simplement le fait d'attendre sans se plaindre. Le sadique lui fait croire que leur fille unique est morte, répudie sa femme en lui disant qu'elle n'est au final qu'une pécore, la fait revenir pour qu'elle s'occupe de former la future reine qui va la remplacer à souffrir autant qu'elle...Et Griselidis obtempère, persuadée que ce son des épreuve que dieu lui envoie pour lui permettre de se corriger! Oui de nos jours on appellerait ça une illuminée ou une masochiste, ou les deux à la fois.

De même le curieux Labyrinthe de Versailles, qui est un recueil de courts poèmes inspirés de la littérature antique, destinés à orner les fontaines du château de Versailles., elles -mêmes représentant des fables d'Esope. et c'est vraiment très étrange de trouver d'autres versions de textes qu'on connait par coeur, parfois sous l'exact même titre " le lièvre et la tortue", " le renard et les raisins", " le renard et le corbeau"  " le conseil des rats"...ça vous parle? CCP,  je vous dis!
Mais là où la Fontaine tirait une conclusion plutôt sociale et générale, Perrault en reste à des interprétations galantes, à la mode de sont temps.
Je n'ai pas franchement aimé La Métamorphose ( texte en prose mêlé de vers sur l'allégorie du miroir, portraitiste parfait - le thème littéraire du portrait était en vogue , il n'y a qu'à penser aux Caractères de La Bruyère, Melle de Scudéry s'y est essayée aussi) , ni la peinture ( poème long , trèèèèès long en alexandrins, rimes plates, rempli de références mythologiques assaisonnées à la sauce assez cliché XVII°siècle...) là, j'ai vraiment du mal, d'autant que les vers de Perrault sont loin de valoir sa prose. Ca se fait énormément sentir dans le Labyrinthe, avec le point de comparaison des Fables de La Fontaine