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mercredi 10 décembre 2014

C'est dans la poche! - Jacques Sadoul

Encore un des e-books obtenu à tarif très très intéressant chez Bragelonne ( nota: surveiller systématiquement leurs opérations)

Jacques Sadoul, c'était un nom qui me parlait: Il y a quelques années, j'ai chroniqué ici plusieurs anthologies fantastiques éditées chez Librio, la dimension fantastique, gare au garou, un bouquet de fantômes, etc..
Plusieurs d'entre elles ont été réalisées par Jacques et Barbara Sadoul, père et fille.
Je savais que Jacques Sadoul était également écrivain ( était, oui, il est décédé début 2013), grand amateur de science fiction.. mais sans en savoir vraiment plus.
Ce livre constitue en fait ses mémoires, et par la même occasion un panorama d'ensemble de l'édition de poche en France. Car, on l'apprend en cours de lecture, Monsieur Sadoul a été pendant plusieurs décennies directeur de publication chez J'ai Lu, et l'instigateur des éditions Librio. Et créateur aussi du terme "bulle" en BD (il explique qu'on parlait de "ballons" avant. Mais que lors de l'édition d'un recueil de BD érotiques, il a fallu jouer avec la censure - époque Yvonne De Gaulle - et trouver un titre accrocheur sans être trop révélateur. Ce qui a donné "l'enfer des ballons" ( "enfer" comme la section érotique des bibliothèques) devenu " l'enfer des bulles", qui sonnait mieux. et que ce dernier terme a été propagé par les journalistes qui pensait qu'il s'agissait du mot consacré.

Heureusement, ce livre ne constitue pas vraiment une autobiographie, mais se concentre sur les difficiles débuts des éditions de poche en France. D'abord le livre de poche en 1953, accusé par les intellectuels de tous bords de "brader la littérature", et sensiblement les mêmes arguments quarante ans plus tard lors de la création de Librio. Pesez, oser publier des auteurs "de patrimoine " à 10 francs, quelle honte!
Je me souviens bien d'avoir entendu ça à l'époque à leur encontre. Mais pour moi, alors lycéenne, puis étudiante, et même maintenant, j'ai soutenu et je soutiens encore haut et fort les éditions de poches, quelles qu'elles soient.
C'est simple un coup d'oeil sur mes étagères: il n'y a quasiment QUE des livres de poche, les quelques autres éditions m'ont soit été offertes, soit ce sont des livres d'art et BD, soit ont été achetées d'occasion lors du désherbage de la médiathèque.
Donc, ce que nous raconte Jacques Sadoul, au delà de ses souvenirs et de son expérience propre en maison d'édition, c'est l'apparition des éditions de poches, mais aussi et surtout leurs diversification.  On entre par la petite porte au coeur d'une maison d'édition avec ses réunions dédiées aux choix éditoriaux, les " c'est pas possible", les " ça marchera jamais", à chaque fois que quelqu'un propose une nouvelle idée.
C'est aussi une chronologie de l'édition SF et BD en France, car ce sont les mémoires d'un directeur de publication passionné de SF et de BD, qui va tout faire pour amener son président ( les différentes générations de Flammarion en particulier) à se lancer dans le marché de ces deux genres. Et le moins qu'on puisse dire c'est que ça n'était pas gagné .Il y a des anecdotes assez marrantes: le fait que les premières éditions Sf de J'ai Lu ne portaient pas la mention SF, justement pour contourner les réticences de libraires, et non de lecteurs, peu enclin d'ajouter cette littérature"peu recommandables" sur leurs étagères.
Ce qui a immanquablement mené à ce genre de remarque d'un libraire, lors de la création officielle de J'ai lu SF " vous devriez cesser de publier de la science-fiction, cela fait du tort à votre collection. Ce sont des romans pour gamins attardés, nous n'avons pas cette clientèle ici, nos lecteurs viennent chercher de bons auteurs tels Troyat, Clavel, Van Vogt"
Conclusion de Jacques Sadoul: "il avait suffit que les ventes d'A E Van Vogt approchent de celles de Troyat pour qu'il soit admis dans la "bonne littérature". Hé oui, ça me fait rire :)
Ca et l'anecdote de la traductrice la plus rapide de France, qui mettait 5 jours à traduire un roman policier. Sa méthode, traduire au fil de l'eau et enlever tout ce qui ne lui paraissait pas important, sans lire d'abord le livre, sans se relire, et sans retoucher sa traduction pour rectifier ses erreurs. Jusqu'au jour où un roman a paru dont l'assassin n'était même pas mentionné: la traductrice avant jugé le personnage peu important, avait enlevé toues ses apparitions, et n'avait rien corrigé au moment ou l'intrigue révélait le nom du coupable. Sans être le moins du monde sanctionné par son éditeur, car c'était malgré tout la plus rapide.
Ca fait rire, mais ça en dit long sur l'estime dans laquelle on tenait le roman policier, la SF et plus tard les comics et manga. J'ai grogné sur celle de H2G2 ( non mais, un anglais typique qui dit " ho bonne mère"), je n'en ai pas parlé ici, mais la première traduction du manga Angel Sanctuary était une catastrophe ( devant une statue de démon, visiblement androgyne, la traductrice proposait "le bouc amphibie de Belzébuth", aucune vérification des termes, hop, on s'en fout, c'est pour otaku décérébrés. Et des boulettes comme ça il y en avait une par page. Heureusement la traduction a été refaite pour la réédition "de luxe")

Après ce livre date de 2006, commencé en 2002 et retouché lors de la publication, depuis, des gens comme Bradbury ou Orwell ont presque quitté dans l'idée des gens le strict domaine de la Sf pour être classés en littérature générale et étudiés en classe.
De même, c'est assez drôle, Sadoul écrit entre 2002 et 2006 que l'e-book à son point de vue n'a pas vraiment d'avenir: trop cher, les appareils dédiées sont lourds et encombrants, "et à part les navigateurs en solitaire ou les explorateurs,  peu de gens en auront réellement l'usage". hihihihi! Cher Jacques, c'est en version numérique, sur ma tablette à tout faire que j'ai lu tes mémoires en 2014 ;)

Tout n'y est pas 100% intéressant non plus, quand il parle des auteurs qu'il a rencontrés, de ses difficultés pour faire de la place à des choses confidentielles ou mal vues, du fonctionnement d'une maison d'édition, c'est passionnant. Par contre par moments, heureusement rares, ça me rappelle un dîner de famille où quelqu'un aurait demande " Tonton Jacques, raconte nous des anecdotes sur ton travail d'éditeur".. et où tonton Jacques digresse sur la politique ( j'vous ai jamais raconté quand je suis allé à Cuba, ha, la politique là bas, c'est n'importe quoi, et les communistes en 68 à Prague, de bonnes idées mais des sauvages, etc..)
Oui, c'est bien tonton, mais la politique, on s'en fout un peu reparle-nous des conventions de SF s'il te plait, toi qui a rencontré Van Vogt, Asimov, Clifford D Simak, Theodore Sturgon...
alors parfois Tonton Jacques fait sa langue de vipère sur certains auteurs, mais au moins, ça reste dans le domaine qui nous concerne.
Le tout agrémenté en fin de volume de nombreuses photos prises lors des diverses conventions SF auxquelles il a pris part.

Donc malgré les imperfections de ces mémoires qui partent parfois un peu à la dérive, malgré le caractère apparemment très étrange de l'auteur (  à le lire, j'ai l'impression qu'humainement c'est quelqu'un avec qui j'aurais eu beaucoup de mal à m'entendre), et malgré l'obligatoire couplet sur "à cause des jeux vidéos les jeunes ne lisent plus" ( et les phénomènes éditoriaux de littérature jeunesse, il y en avait déjà en 2006!), je dois malgré tout tirer mon chapeau à Jacques Sadoul, au moins pour avoir oeuvré à donner ses lettres de noblesse à la SF en France, et à ce que des gens comme moi, qui ne roulent pas sur l'or, aient accès à un maximum d'ouvrages pour un minimum de frais. Et ce même si j'ai allumé Librio plus d'une fois sur les traduction vieillottes, mais au moins en lisant , j'ai compris pourquoi: moins de droits. Et pourquoi j'avais lu Oedipe Roi au lycée en 94 au passage.

auteur de SF, qui nous parle abondamment de l'Edition SF en France
idée 27: un livre (qui porte le titre du livre, la mise en abyme 2.0)

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