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lundi 10 mai 2010

L'Astrée - Honoré d'Urfé

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En voila un que j'ai véritablement ouvert avec des pincettes, pour tout dire je ne l'aurais probablement jamais ouvert du tout, s'il ne m'avait fallu trouver un auteur classique en U!.
Petit Retour en arrière, aux temps de la fac de lettres. Deux profs de littérature XVII° siècle. Deux avis totalement opposés, et totalement mal argumentés surtout.
Les mot-clefs qui m'étaient resté de cet affrontement universitaire concernant l'Astrée étaient: pastorale, histoire d'amour, lyrisme champêtre, re-histoire d'amour, bord de l'eau, re-re histoire d'amour, bergers et bergères, et vous savez quoi: Histoire d'amour de plusieurs milliers de pages.
Autant dire l'image d'une bonbonnière rose décorée de coeurs, débordante de sucre jusqu'à la nausée. Forcément, vu comme ça, ça ne donne pas envie, et c'est exactement ce qui s'est passé.
Et finalement, à la lecture , oh surprise! Ce n'est pas siiiii mièvre que ça. Voulant trop bien faire en mettant en avant l'histoire d'amour, ces chers enseignants ont oublié tout le reste. Et c'est justement ce reste qui est bien plus intéressant. En tout cas de mon point de vue.
L'édition Folio que j'ai pu me procurer est en fait une sélection qui taille dans le vif des plusieurs milliers de pages, pour n'en garder que quelques passages "représentatifs" ( soit dit en passant, je n'ai pas franchement compris sur quels critères l'éditeur s'est basé pour sélectionner tel ou tel passage, mais bon), le reste étant résumé dans les grandes lignes ( 5 parties de 12 chapitres chacun, il a fallu faire quelques coupes sombres pour ne pas décourager le lecteur)
Donc, ici on a droit au chapitres 1 ( Histoire d'Astrée et Celadon) et 12 ( histoire de Lydias et Mélandre , retraite en ermite de Céladon) de la première partie, aux chapitres 5 ( le temple d'Astrée, les plaisanteries d'Hylas) et 6 ( l'histoire de Damon et Madonte, les débats de Tircis, Sylvandre et Hylas), et le chapitre 12 ( fin de l'histoire de Madonte et Damon, mort de Tersandre, Histoire d'Andrimarte, Silviane et Childéric)
Première surprise: C'est drôle! volontairement au travers du personnage d' Hylas l'inconstant, qui intervient régulièrement pour moquer les personnages trop sérieux ou trop moroses. Et ça fait du bien.
Involontairement aussi, car l'histoire est censée se passer en Gaule sous les règnes de Mérovée et Childéric, on y croise quantité de gaulois et de Francs. Le but avoué étant de revenir à une époque pré- romaine ( à mettre en relation avec les tensions France/Italie du début du XVII° siècle). Or que fait un érudit de cette époque pour camper des personnages non romain? réponse limpide: hormis les rois, tout le monde porte un nom grec!
C'est donc une Gaule de convention que dépeint d'Urfé, Peuplée de bergers et bergères aux noms grecs, particulièrement érudits - tout le monde sait lire et écrire! -qui passent très peu de temps à surveiller leurs troupeau et beaucoup à se promener, parler d'amour, et se faire des farces les uns aux autres. Une gaule qui, on s'en doute est une représentation à peine voilée de la société française du XVII°S. Pas difficile de reconnaître Henri IV derrière Mérovée, le bon roi tolérant et plein de sagesse, pour peu que l'on ait quelques notions d'Histoire.
Une autre chose est à relever: c'est aussi le début des romans d'aventures, et d'un retour en grâce du roman courtois, et l'auteur ne se prive d'y faire référence: Chevaliers, batailles, tournois, travestissements sont de la partie. A tel point que finalement l'histoire de Céladon et son Astrée est la plus platounette et la moins passionnante de toutes. Grosso modo, il faut quand même signaler que la grande majorité des personnages féminins est exaspérante: Astrée est caractérielle et capricieuse, Diane est relativement masochiste, Madonte crée des problèmes à n'en plus finir à force d'orgueil.. D'une manière générale, il faut reconnaître que tout ce beau monde se fait facilement des montagnes de taupinières pour le plaisir d'en débattre par la suite.
Et en fin de compte, si l'on considère qu'il s'agit avant tout d'une chronique de l'époque d'Urfé transposée dans une Gaule utopique, ça devient même assez plaisant.
snoopycool
Et donc, une bonne surprise, avec un livre qui ne correspondait pas tout à fait à ce que je redoutais. quelques passages un peu prise de tête au début, sur l'histoire d'Astrée et Céladon et leurs scènes de ménage , ça s'arrange bien par la suite, les autres étant plus palpitantes et plus truculentes.. même si,aux yeux du lecteur du XXI° siècle qui a déjà ouvert pas mal de bouquins, les ficelles des rebondissement paraissent grosses comme des amarres ( on devine très vite qui a-fait-croire-qu'il-est-mort-mais-en-fait-ne -l'est-pas, qui est le-fils-enlevé-au-berceau-qu'on-croyait-perdu-depuis-longtemps, qui est la soeur de qui, qui est le chevalier mystérieux, etc..). Dommage cependant que la méthode de sélection des chapitres par Folio soit un peu mystérieuse, j'aurais bien aimé lire plutôt les chapitres qui ont une vague connotation sociale et politique - et savoir pourquoi l'auteur a décidé que le Forez idéal était un matriarcat. Je comprend le recours aux résumés , mais c'est parfois un peu déroutant de passer du résumé au chapitre, lorsqu'un personnage semble débarquer de nulle part, puisqu'il est apparu dans un passage que l'ont a pas pu lire, cette impression d'avoir loupé un épisode et par conséquent la difficulté de se remettre dans le bain du chapitre suivant, perturbe un peu la fluidité de lecture.

Mais au final, c'est une bonne chose de pouvoir revenir sur ses préjugés. Je ne lirais probablement pas le reste dans l'immédiat, mais, finalement, un jour, pourquoi pas, au compte gouttes.

Une lecture du challenge ABC

samedi 8 mai 2010

Chroniques martiennes - Ray Bradbury

chroniquesgrand

Bradbury nous raconte la conquête de Mars depuis le début en 1999 jusqu’à la fin en 2005, avec un petit épilogue en 2026. Certes, ça fait drôle, parvenus en l’an de grâce 2010, ce hiatus temporel (et le même m’attend avec 1984), ce décalage entre le futur imaginaire, et une réalité qui a pris une toute autre direction. Un comique inattendu jaillit de mentions telle que le phonographe en 2001. de même on mettra de côté les invraisemblance scientifiques ( allez savoir pourquoi sur la planète rouge, Bradbury a décidé que le sable serait bleu !)
Mais, dans le fond, le sous-entendu est limpide : la conquête de mars, la civilisation martienne réduite à néant, les martiens décimés par la varicelle, les survivants pourchassés et retranchés dans les montagnes, l’exploitation de mines dans les déserts martiens, les villes qui poussent comme des champignons pour disparaître moins de cinq ans plus tard… Ça rappelle quand même sacrément la conquête de l’ouest et la ruée vers l’or, tout de même.
Bon sang mais c’est bien sur, ce que Bradbury raconte sous couvert de science fiction, c’est l’histoire de l’Amérique- massacre des autochtones compris- condensée sur quelques années, avec un humour noir et une férocité  jubilatoire. Bien sur, si on se contente de le lire comme de la science fiction, ça n’a rien de spécialement défrisant. Mais lorsque l’auteur appuie la où ça fait mal , qu’est-ce que c’est réjouissant. Car la chronique se transforme vite en tir à vue sur tous les travers de la société américaine ( et occidentale). Certes il y a quelques passages un peu moins bons, notamment les courtes transitions, mais le plus souvent, il fait mouche. Tous les travers de la société contemporaine de l’auteur en prennent pour leur grade : la conquête forcenée (jusqu’à l’installation d’un stand de hot-dog au milieu de nulle part, qu’avait prédit Spender, éphémère personnage principal d’une seule nouvelle, et pourtant le plus marquant), la ségrégation raciale ( avec la migration en masse des noirs d’Amérique vers Mars, laissant le Ku-klux-klan seul face à sa bêtise désoeuvrée), la bureaucratie galopante et sans cervelle, qui après avoir éradiqué l’imagination de la Terre entend bien faire de Mars un monde exclusivement réaliste ( avec une variante de la chasse aux sorcières non plus dirigée vers les communistes, mais vers les créatures imaginaires – fantastique et science fiction radiées de la mémoire collective via des autodafés radicaux. Poe, Caroll, Lovecraft et consorts au bûcher! ).
Jusqu’à la chute, le rappel des colons, la Terre qui s’enlise dans un conflit nucléaire sans fondement ( la nouvelle « Il viendra des pluies douces » est à ce titre une des plus glaçantes, avec une allusion à Hiroshima très directe, et la technologie qui continue de fonctionner bien après la disparition de l’humain, froide, mécanique, au service d’une civilisation terrienne moribonde qui a déserté les lieux depuis longtemps, simulacre de vie dérisoire et absurde).
Et à l’autodafé terrestre de l’imaginaire (Usher II) correspond, in fine, un autre autodafé martien, beaucoup plus réjouissant et libérateur ( je n'en dirai pas plus à ce sujet pour ne gâcher le plaisir de personne)
happydance
De la science fiction, oui, mais d’une finesse rare sous une bonne couche d'humour noir et qui invite à la réflexion en retournant l’histoire comme un gant, je dis un grand bravo. Ce livre mérite son statut de monument de la littérature d’anticipation (enfin, en espérant qu’il reste de la SF plutôt que de l’anticipation, je ne rentrerai pas dans les détails techniques des deux genres, vous saisissez l’idée)

Une lecture du challenge ABC  ET du Défi SF!